Fiche thématique n°14 : Les enjeux de l'utilisation de la biomasse à des fins énergétiques

L’article L. 211-2 du code de l’énergie définit la biomasse comme « la fraction biodégradable des produits, des déchets et des résidus d'origine biologique provenant de l'agriculture, y compris les substances végétales et animales, de la sylviculture et des industries connexes, y compris la pêche et l'aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets, notamment les déchets industriels ainsi que les déchets ménagers et assimilés lorsqu'ils sont d'origine biologique. » Les ressources en biomasse concernées par la production d’énergie sont souvent utilisées pour d’autres usages tels que l’alimentation humaine ou animale, la construction ou la transformation industrielle.

Cette biomasse est convertie en différents vecteurs énergétiques (biocarburants, biogaz, combustibles solides), pour ensuite être utilisées pour différents usages (transport, chaleur industrielle, chauffage collectif, production d’électricité…).

Les différents enjeux et le rôle des pouvoirs publics

Source d’énergie renouvelable non intermittente, la biomasse a été identifiée dans la Stratégie Nationale Bas carbone (SNBC2) publiée en 2020 comme un élément clé du mix énergétique à l’horizon 2050, en révélant un enjeu spécifique sur l’équilibre entre offre et demande. En effet, dans la SNBC, la consommation de ressource en biomasse, à la hausse dans la plupart des secteurs, dépassait d’environ 7% la ressource domestique (460 TWh contre 430 TWh).

Un premier sujet est celui de la disponibilité globale des ressources. En s’inscrivant dans un objectif de souveraineté sur l’approvisionnement, l’enjeu est dès lors de définir les hypothèses et trajectoires adéquates de production des différents types de biomasse qui constitueront l’offre disponible : bois, cultures intermédiaires, effluents d’élevage, etc. La SNBC2 portait une vision volontariste conduisant à multiplier par 2,5 la ressource de biomasse énergétique mobilisée.

Au-delà de cet enjeu de disponibilité globale, se trouve un deuxième enjeu plus complexe « d’allocation » optimale des types de biomasse entre secteurs utilisateurs, c’est-à-dire de cohérence entre la nature de la biomasse disponible et le type de vecteur énergétique (solide, gazeux ou liquide) nécessaire dans chaque secteur. Là encore, des choix stratégiques doivent être effectués sur la priorité à accorder au recours à la biomasse par tel ou tel secteur. Cela doit se faire selon les capacités propres à chaque filière de remplacer les énergies fossiles par d’autres vecteurs, notamment si l’électrification est possible plutôt que de recourir à la biomasse. Par exemple, dans le secteur de la mobilité, la priorité à long terme est donnée au développement des véhicules électriques plutôt qu’au maintien d’un parc de véhicules thermiques consommant des biocarburants.

Au-delà du sujet d’adéquation offre-demande, il est nécessaire d’intégrer toutes les implications environnementales du recours à la biomasse. Il s’agit en premier lieu de la durabilité des conditions de production, à la fois agricole et forestière, afin de limiter les effets induits indésirables : dégradation du puits forestier, pertes de stocks de carbone dans le sol (dont les dynamiques de reconstitution peuvent être longues), déforestation (y compris la déforestation dite « importée »), dégradation des sols, de la qualité de l’eau, impacts sur la biodiversité, etc. Les implications environnementales doivent également être correctement analysées et intégrées à la stratégie au niveau de l’utilisation de la biomasse, notamment sur les impacts en matière de qualité de l’air qui peuvent conduire à privilégier la valorisation dans un secteur plutôt qu’un autre, selon sa capacité à maîtriser ces impacts (par exemple, dans l’industrie qui est soumise à des exigences plus poussées de filtration des émissions liées à la biomasse).

Parmi les enjeux environnementaux, et compte-tenu du fait que les terres agricoles ne sont pas extensibles à l’infini sans effet indésirable, la concurrence avec les usages alimentaires fait l’objet d’une attention spécifique depuis plusieurs années. C’est notamment ce qui avait motivé dès 2009 la mise en place d’un cadre pour la « durabilité des bioénergies » dans la directive européenne relative aux énergies renouvelables, avec en particulier un plafonnement de l’usage des biocarburants dits de 1ère génération fabriqués à partir de ressources à usage alimentaire. C’est également ce qui a conduit à plafonner l’usage de cultures alimentaires pour la méthanisation dans le code de l’environnement.

Les contraintes techniques et économiques pesant sur la production et l’utilisation de biomasse (coûts de transaction, inertie de systèmes agricoles, stabilité des débouchés et des prix, etc.) doit également être prises en compte pour effectuer les projections les plus fiables possible (par exemple, sur la capacité à mobiliser effectivement davantage de biomasse forestière compte-tenu du morcellement de la propriété privée).

Faire face à l’ensemble de ces enjeux nécessite de disposer de données à jour, précises, cohérentes, transparentes dans leurs hypothèses, appelant à un effort continu de recherche et d’analyse, de coordination méthodologique des études, et de concertation avec les parties prenantes.

Le rôle des pouvoirs publics est de plusieurs ordres :

  • Etablir les projections les plus réalistes possibles en matière de disponibilité et de consommation de biomasse, en assurant la cohérence entre les hypothèses formulées pour tous les secteurs d’activités d’offre et de demande (agricole, forestier, du bâtiment, de l’industrie…), en ayant un rôle de synthèse des connaissances et de financements de nouvelles études pour fiabiliser les projections au regard des enjeux environnementaux et technico-économiques ;
  • Décliner cette trajectoire de façon plus opérationnelle, au travers notamment de divers documents de planification plus ou moins ciblés sur les enjeux de biomasse énergie (Programmation pluriannuelle de l’énergie, Stratégie Nationale de Mobilisation de la Biomasse, schémas régionaux de biomasse, Programme National de la Forêt et du Bois, plan stratégique national de la Politique agricole commune…) ;
  • Financer les transitions planifiées, à travers de dispositifs de soutien, dont les orientations et publics cibles sont adaptés et ajustés au fil du temps aux trajectoires, tels que le fonds chaleur géré par l’ADEME, ou des dispositifs temporaires comme France Relance ou France 2030 ;
  • Encadrer et contrôler la gestion des éventuels conflits d’usage et de mise en œuvre de la réglementation veillant à la durabilité de la biomasse utilisée à des fins énergétiques, conformément aux exigences européennes de la directive relative aux énergies renouvelables, révisée fin 2018. Les services de l’Etat et de l’ADEME en région ont ainsi, depuis une dizaine d’années, un rôle de contrôle a priori des approvisionnements des nouvelles installations de production énergétique afin de limiter les conflits d’usage.