Fiche thématique n°15 : L'hydrogène décarboné

Aujourd’hui, en France, l’hydrogène est utilisé dans l’industrie pétrolière et chimique, pour une consommation française totale de l’ordre de 900 000 tonnes par an. Il s’agit, en grande majorité, d’hydrogène carboné, produit par « vaporéformage » du gaz naturel. Cette production engendre de l’ordre de 9 millions de tonnes de CO2 par an. Il s’agit, pour l’essentiel, d’un usage de l’hydrogène pour ses propriétés chimiques, et non d’un usage énergétique. L’usage énergétique peut-être envisagé :

  • par oxydoréduction de l’hydrogène, dans une pile à combustible (qui émet alors de l’eau), pour produire de l’électricité ;
  • par combustion de l’hydrogène, par exemple dans une chaudière ou un moteur (qui émet de l’eau, mais aussi des oxydes d’azotes qui sont des gaz à effet de serre) pour produire de la chaleur ou du mouvement.

L’hydrogène décarboné peut être produit par électrolyse de l’eau, à partir d’électricité bas-carbone ou renouvelable. C’est la solution technique privilégiée par la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné annoncée en septembre 2020. Les autres moyens de production d’hydrogène décarboné (vaporéformage du méthane et stockage du CO2, pyrogazéification de la biomasse par exemple), sans être exclus, posent d’autres questions qui ne permettent pas, à ce stade, d’envisager une massification en France (nécessité d’importer du méthane pour des volumes importants, disponibilité de stockage de CO2, disponibilité et concurrence des usages de la biomasse, etc.).

Le développement de l’hydrogène décarboné est destiné à répondre à :

 

Le rôle de l'hydrogène décarboné dans la décarbonation de l'industrie et la mobilité lourd, et ses objectifs actuels de développement

La décarbonation de notre économie repose sur la sobriété énergétique, l’efficacité énergétique et la décarbonation de l’énergie. La production d’hydrogène décarboné par électrolyse restera coûteuse pendant au moins une décennie, et sera, quoiqu’il en soit, moins efficace et plus chère que l’usage direct de l’électricité. On estime en ce sens que l’hydrogène fossile pourrait être produit à environ 2€/kg, quand l’hydrogène bas-carbone serait lui environ à 4€/kg et l’hydrogène renouvelable entre 6 et 8€/kg, coûts qui peuvent varier sensiblement au regard des évolutions récentes des prix des énergies.

La stratégie nationale vise donc à recourir à l’hydrogène décarboné uniquement pour les usages « sans regrets », c'est-à-dire ceux pour lesquels il n’existe pas d’alternatives évidentes. La décarbonation de l’industrie (secteurs de la sidérurgie, de la production d'engrais, du raffinage ou bien encore de la cimenterie qui sont parmi les plus gros émetteurs de CO2) et de la mobilité lourde sont les deux axes prioritaires des usages directs de l’hydrogène décarboné des 10 prochaines années. Sur cette période, des progrès importants sont attendus sur toutes les briques de la chaine de valeur de l’hydrogène pour baisser les coûts, augmenter les rendements et les puissances des électrolyseurs.

La décarbonation de l’industrie consiste à :

  • Substituer l’hydrogène fossile, aujourd’hui utilisé, par un hydrogène décarboné, sans modification du procédé industriel, comme par exemple dans le secteur du raffinage qui consomme environ 140 000 tonnes par an d’hydrogène en France, ou la production d'engrais ;
  • Introduire l’hydrogène décarboné en modifiant le processus industriel, comme par exemple dans le secteur de la sidérurgie où l’hydrogène pourrait être utilisé à la place du charbon pour réduire la molécule de fer ;
  • Valoriser le carbone fatal émis par l’industrie, comme par exemple dans le secteur de la cimenterie, pour produire des molécules de base comme le méthanol, qui sera lui-même utilisé pour les transports maritimes, la production de carburant de synthèse (par exemple pour l’aviation) ou la chimie.

La décarbonation de la mobilité lourde par l’hydrogène repose sur le fait que la batterie, compte tenu de son poids, pourrait ne pas être une solution pertinente pour certains usages à court terme. Les projets actuels mobilisent de nombreux acteurs publics (collectivités, régies, syndicats d’énergie) comme privés (énergéticiens, exploitants, opérateurs de transports, industriels), dans tous les territoires, puisqu’il s’agit de déployer des véhicules et leurs solutions de recharge.

L’article L. 100-4 du code de l’énergie prévoit le développement de l'hydrogène bas-carbone et renouvelable et ses usages industriel, énergétique et pour la mobilité, avec la perspective d'atteindre environ 20 à 40% des consommations totales d'hydrogène et d'hydrogène industriel en 2030.

La stratégie nationale vise à atteindre une capacité installée d’électrolyseurs de 6,5 GW en 2030, permettant ainsi une production d’environ 600 kt/an d’hydrogène décarboné (soit environ 20 TWh d’hydrogène). Cela nécessitera une consommation d’électricité de l’ordre de 30 TWh/an pour produire cet hydrogène décarboné à cette échéance.

L’Etat met en œuvre plusieurs mécanismes de soutien de l’offre et de la demande d’hydrogène, afin d’atteindre les objectifs de sa stratégie, à travers un soutien financier de près de 9 milliards d’euros à travers notamment les plans France Relance et France 2030). Au regard des différents projets déposés, notamment les projets d’envergure, y compris à l’échelle européenne, dans le domaine de la décarbonation de l’industrie les objectifs prévus pour 2030 devraient être atteints.

Le rôle de l'hydrogène pour le système électrique et les perspectives à long terme

Le stockage d’électricité permet de répondre aux besoins de flexibilité et de pilotage de la demande du système électrique, compte tenu notamment des courbes de consommation et du caractère intermittent de certaines énergies renouvelables (éolien ou photovoltaïque). Le rapport « Futurs énergétiques 2050 » de RTE souligne que des besoins supplémentaires de stockage apparaissent, notamment à partir de 2035.

Le stockage d’électricité par l’hydrogène (production d’hydrogène par électrolyse de l’eau quand la demande est plus faible que la production, puis reconversion en électricité grâce à une pile à combustible, voire via une centrale thermique, quand la demande est plus forte que la production), apporte une solution supplémentaire dans le panel des solutions de stockage d’électricité (aujourd’hui notamment les stations de transfert d’énergie par pompage et les batteries électriques). Il apporte donc un levier supplémentaire pour l’intégration des énergies renouvelables à grande échelle dans le système électrique à partir de 2035.

Les progrès technologiques de la chaîne de valeur de l’hydrogène décarboné, qui ne manqueront pas de survenir dans les prochaines années grâce au soutien apporté à la décarbonation de l’industrie et des mobilités lourdes, permettront, le moment venu, d’offrir à des coûts admissibles les moyens techniques pour le stockage d’électricité. Ces moyens pourraient reposer sur des unités de production/stockage/conversion d’hydrogène en électricité et réciproquement. Chacune de ces opérations présente des pertes, et que le rendement global d’un tel système s’en trouve réduit. Ce système peut également reposer sur un stockage et une utilisation directe de l’hydrogène, ou sur un stockage de l’hydrogène sous une autre forme, comme l’ammoniac ou le méthane de synthèse, qui peut être alors reconverti en hydrogène ou sous forme de combustible (il présente l’avantage de pouvoir être combiné avec du gaz fossile ou du biogaz, mais émet des gaz à effet de serre lors de sa combustion).

Dans son étude « Futurs énergétiques 2050 », RTE prévoit un besoin en 2050 pour le système électrique compris entre 18 et 30 TWh d’hydrogène décarboné pour les scénarios sans nouveau nucléaire, et entre 0 et 12 TWh (pour les scénarios avec nouveau nucléaire). S’y ajoute un besoin supplémentaire de 45 TWh dans la trajectoire de référence (pouvant aller jusqu’à 130 TWh dans la variante « hydrogène + ») d’hydrogène décarboné pour les autres usages, soit un besoin total d’hydrogène décarboné compris entre 45 et 75 TWh en 2050.

Dans son étude « Transition(s) 2050 », l’ADEME prévoit un besoin total d’hydrogène décarboné compris entre 35 TWh d’hydrogène (dans le scénario S4) et 94-95 TWh (dans les scénarios S2 et S3, dont près de 50% serait importés dans le scénario S3).