Fiche thématique n°8 : Les réseaux électriques

Pour être acheminée depuis les centres de production vers les consommateurs, les réseaux électriques sont au cœur du système électrique et un maillon clef de la transition énergétique. Le réseau est constitué :

  • du réseau public de transport d’électricité destiné à transporter des quantités importantes d’énergie sur de longues distances ;
  • le réseau public de distribution, destiné à acheminer l’électricité en moins grande quantité et sur de courtes distances.

L'exploitation des réseaux de transport et de distribution d'électricité sont des services publics réglementés. Le réseau électrique français est large et interconnecté et peut être découpé en trois grandes catégories :

  • le réseau de grand transport, national et européen,
  • les réseaux régionaux,
  • les réseaux de distribution.

 

Réseau de transport d’électricité – lignes 400kV et 225kV (Source : RTE)

Situé en amont des réseaux de distribution, le réseau de transport d’électricité est géré par la société RTE (Réseau de transport d’électricité) et se compose du réseau de grand transport et d’interconnexion ainsi que du réseau de répartition régional, pour un total d’environ 100 000 km de lignes. Le réseau de grand transport et d’interconnexion est destiné à transporter des quantités importantes d’énergie sur de longues distances. Il constitue l’ossature principale reliant les grands centres de production, disséminés en France et dans les autres pays européens. Son niveau de tension est de 400 kV et de 225 kV.  Le réseau de répartition régional vise à répartir l’électricité vers l’ensemble des territoires, sur des distances plus courtes et en quantité moindre. Il est constitué d’ouvrages en très haute tension (225 kV) et en haute tension (90 et 63 kV). Aujourd’hui, plus de 90% de la production électrique française actuelle est en effet injectée sur le réseau de transport, y compris la majeure partie de la production renouvelable (hydroélectricité), et à l’avenir les installations d’éoliennes en mer.

Ce sont les réseaux publics de distribution d’électricité, constitués d’ouvrages de moyenne tension (communément appelée HTA, entre 1 000 V et 50 000 V) et d’ouvrages de basse tension (ou « BT », inférieure à 1 000 V), raccordés au réseau de transport, qui acheminent l’électricité jusqu’aux consommateurs finaux. Ils représentent près de 1,4 millions de kilomètres de lignes. La distribution publique d’électricité s‘exerce dans le cadre de concessions locales. Les autorités organisatrices de la distribution d’électricité (AODE), également appelées autorités concédantes, sont des collectivités territoriales propriétaires des réseaux (les communes ou leurs groupements, qui peuvent s’organiser en syndicats départementaux d’énergie). Enedis, filiale du groupe EDF, dispose de concessions sur environ 95% du territoire métropolitain, les 5% restants étant desservis par des entreprises locales de distribution (ELD), dépendant des collectivités locales.

Les gestionnaires des réseaux publics d’électricité ont pour principales missions l’exploitation du réseau (dépannage, conduite et pilotage du réseau, raccordement des nouveaux consommateurs ou producteurs), le comptage des quantités d’énergie injectées ou soutirées, et le renouvellement des infrastructures de manière à assurer un maintien en conditions opérationnelles. RTE, gestionnaire du réseau de transport, est par ailleurs chargé de missions spécifiques dans le pilotage du système électrique, notamment à travers la gestion des mécanismes d’équilibrage entre l’offre et la demande en temps réel.

L'évolution des réseaux de transport et distribution

Le Schéma décennal de développement de réseau (SDDR) publié par RTE en 2019 a dressé les perspectives du développement du réseau de transport d’ici 2035, en se fondant sur la trajectoire d’évolution du mix électrique projetée par la programmation pluriannuelle de l’énergie. Il prévoit ainsi un investissement de 33 Mds€ sur 15 ans. L’étude « Futurs Energétiques 2050 » de RTE ne conduit pas à des modifications substantielles de l’équilibre du SDDR sur cette période de temps. Elle permet en revanche de visualiser les évolutions importantes et structurelles des réseaux au-delà de 2030.

L'essor de la production électrique d’origine renouvelable et décentralisée, commun à l’ensemble des scenarios RTE, entraîne en effet une modification importante des flux d’électricité sur les réseaux. Celle-ci se traduit :

  • Par une géographie différente des moyens de production : les moyens de production seront plus disséminés sur le territoire et de nouvelles installations en mer de forte puissance seront mises en service
  • Par une plus forte variabilité journalière, hebdomadaire et mensuelle de la production sur le territoire.

L’apparition de nouvelles zones de production induit ainsi un besoin de renforcement du réseau de transport. Le système électrique évolue en effet d'une production historiquement très centralisée, constituée de grandes centrales électriques raccordées au réseau de transport, et « descendante » vers les consommateurs via le réseau régional et de distribution, à une production de plus en plus décentralisée et plus proche des consommations, générant des flux bidirectionnels (injection d'électricité du réseau de distribution vers le réseau de transport par exemple).

Par ailleurs, le caractère intermittent de certaines énergies renouvelables, en développement dans toute l’Europe, renforce le besoin d’interconnexions entre la France et ses voisins afin de sécuriser le système électrique. Les échanges transfrontaliers permettent de disposer de la disponibilité des capacités à l’étranger et d’atténuer les aléas liés aux conditions climatiques et donc de diminuer le montant des investissements qui devraient autrement être réalisés. La capacité d’import en 2050 pourrait représenter 39 GW selon RTE, à comparer aux 13 GW actuels.

L’analyse technique de RTE démontre ainsi que les investissements sur le réseau de grand transport seront, pour tous les scénarios envisagés, en forte croissance sur la période 2035-2050 (par rapport à la période 2020-2035). Les évolutions sont d’autant plus majeures que la part des énergies renouvelables dans le futur mix électrique est importante. Les besoins d’adaptation du réseau de transport diminuent dans les scénarios où de nouveaux réacteurs nucléaires sont construits sur des sites existants, dans la mesure où cela s’inscrirait dans le prolongement de la situation actuelle.

En outre, les besoins générés par l’électrification des procédés, notamment dans l’industrie conduira à des besoins en raccordement et en renforcement, dont les délais doivent être anticipés et réduits afin que les sites concernés puissent opérer leur transition énergétique dans un horizon le plus rapproché possible.

Enfin, dans tous les cas de figure, un accroissement important des investissements de renouvellement des infrastructures vieillissantes apparaît indispensable, et pourraient être du même ordre de grandeur que ceux nécessaires à l’adaptation des réseaux régionaux ou de grand transport. L’âge moyen du réseau de RTE est en effet de l’ordre de 50 ans : la planification des investissements et le renouvellement effectif des ouvrages en fin de vie est une priorité au même titre que l’adaptation des réseaux. RTE estime qu’à partir de 2035, les investissements en renouvellement vont plus que doubler et devraient totaliser 20 Mds€, soit une moyenne de l’ordre de 1,3 Mds€/an.

Ces investissements devront également permettre de renforcer la résilience du réseau électrique français au changement climatique.

Le développement des énergies renouvelables et de nouveaux usages de l’électricité, dont le véhicule électrique, nécessitent également de repenser la structure des réseaux de distribution, en basse et en moyenne tension.

Alors qu’ils étaient conçus initialement pour acheminer l’électricité aux consommateurs finaux, ils accueillent aujourd’hui l'essentiel des nouvelles installations d’énergies renouvelables. Cela implique des démarches de modernisation afin de faciliter le fonctionnement bidirectionnel des réseaux. Dans son étude « Futurs énergétiques 2050, » RTE envisage des scénarios dans lesquels les installations de production raccordées au réseau public de distribution assurent entre 25% et 50% de la production nationale annuelle (contre 10% actuellement). Le réseau de distribution devra être ainsi en mesure d’absorber, selon les scénarios, le raccordement de capacités de production variant entre 93 et 237 GW à l’échelle nationale.

Le niveau des investissements d’ici à 2050 apparaît très contrasté entre les différents scénarios de mix électrique : s’il sera supérieur au rythme des années passées, ils sont plus importants dans les scénarios avec une part importante d’énergies renouvelables. Les investissements cumulés sur la période 2020-2050 sont estimés par RTE et Enedis entre 4,1 et 6,3 Mds€ par an.

 

Investissement sur les réseaux de transport et distribution entre 2020 et 2060 pour les 6 scénarios dans la configuration de référence sur la consommation.
Investissements sur les réseaux de transport entre 2020 et 2060 pour les 6 scénarios, dans la configuration de référence sur la consommation (Source : RTE « Futurs énergétiques 2050 »)

Dans le scénario M0 le montant total des investissements s’élèvent à environ 150 milliards d’euros répartis comme suit :
environ 41 milliards d’euros pour le renouvellement ;
environ 10 milliards d'euros pour l’ossature numérique ;
environ 20 milliards d’euros pour le Grand transport ;
environ 28 milliards d’euros pour les réseaux régionaux ;
environ 45 milliards d’euros pour le raccordement en mer ;
environ 8 milliards d’euros pour les interconnexions ;

Dans le scénario M1 le montant total des investissements s'élèvent à environ 141 milliards d’euros répartis comme suit :
environ 42 milliards d’euros pour le renouvellement ;
environ 12 milliards d’euros pour l’ossature numérique ;
environ 15 milliards d’euros pour le Grand transport ;
environ 20 milliards d’euros pour les réseaux régionaux ;
environ 42 milliards d’euros pour le raccordement en mer ;
environ 8 milliards d’euros pour les interconnexions ;

Dans le scénario M23 le montant total des investissements s'élèvent à environ 156 milliards d’euros répartis comme suit :
environ 41 milliards d’euros pour le renouvellement ;
environ 10 milliards d’euros pour l’ossature numérique ;
environ 20 milliards d’euros pour le Grand transport ;
environ 24 milliards d’euros pour les réseaux régionaux ;
environ 55 milliards d’euros pour le raccordement en mer ;
environ 8 milliards d’euros pour les interconnexions

Dans le scénario N1 le montant total des investissements s’élèvent à environ 130 milliards d’euros répartis comme suit :
environ 41 milliards d’euros pour le renouvellement ;
environ 10 milliards d’euros pour l’ossature numérique ;
environ 12 milliards d’euros pour le Grand transport ;
environ 22 milliards d’euros pour les réseaux régionaux ;
environ 40 milliards d’euros pour le raccordement en mer ;
environ 8 milliards d’euros pour les interconnexions ;

Dans le scénario N2 le montant total des investissements s’élèvent à environ 110 milliards d’euros répartis comme suit :
environ 41 milliards d’euros pour le renouvellement ;
environ 10 milliards d’euros pour l’ossature numérique ;
environ 10 milliards d’euros pour le Grand transport ;
environ 12 milliards d’euros pour les réseaux régionaux ;
environ 30 milliards d’euros pour le raccordement en mer ;
environ 8 milliards d’euros pour les interconnexions ;

Dans le scénario N03 le montant total des investissements s’élèvent à environ 96 milliards d’euros répartis comme suit :
environ 41 milliards pour le renouvellement ;
environ 10 milliards pour l’ossature numérique ;
environ 9 milliards pour le Grand transport ;
environ 9 milliards pour les réseaux régionaux ;
environ 13 milliards pour le raccordement en mer ;
environ 8 milliards pour les interconnexions ;

Investissement sur les réseaux de transport et distribution entre 2020 et 2060 pour les 6 scénarios dans la configuration de référence sur la consommation.
Investissements sur les réseaux de distribution entre 2020 et 2060 pour les 6 scénarios, dans la configuration de référence sur la consommation (Source : RTE « Futurs énergétiques 2050 »)

Dans le scénario M0 l’investissement dans le réseau de distribution existant est d’environ 80 milliards d’euros avec un coût d’adaptation d’environ 100 milliards d’euros.
Dans le scénario M1 l’investissement dans le réseau de distribution existant est d’environ 80 milliards d’euros avec un coût d’adaptation d’environ 120 milliards d’euros.
Dans le scénario M23 l’investissement dans le réseau de distribution existant est d’environ 80 milliards d’euros avec un coût d’adaptation d’environ 90 milliards d’euros.
Dans le scénario N1 l’investissement dans le réseau de distribution existant est d’environ 80 milliards d’euros avec un coût d’adaptation d’environ 90 milliards d’euros.
Dans le scénario N2 l’investissement dans le réseau de distribution existant est d’environ 70 milliards d’euros avec un coût d’adaptation d’environ 100 milliards d’euros.
Dans le scénario N03 l’investissement dans le réseau de distribution existant est d’environ 70 milliards d’euros avec un coût d’adaptation d’environ 100 milliards d’euros.

 

Les nouvelles opportunités et les enjeux de l'évolution des réseaux

Les nouveaux usages présentent à la fois des nouveaux défis pour les réseaux mais également de nouvelles opportunités. Le déploiement de nouvelles familles d'équipements (capteurs, équipements télé-opérables, équipements de communication…), la numérisation des équipements existants et le développement de logiciels et systèmes informatiques capables de traiter les volumes d’informations collectées sur les réseaux sont autant de solutions qui permettent un meilleur suivi et un meilleur pilotage des réseaux. Les réseaux dits intelligents (ou « smartgrids ») permettent ainsi de piloter la consommation de manière active et d’améliorer l’efficacité énergétique, dans une logique d’optimisation des investissements dans le réseau et de gain en flexibilité (notamment à travers le pilotage de la demande et le lissage des pics de consommation).

Pour cela, les données représentent un enjeu important. Le déploiement des technologies « smart grids » s’accompagne de la production de plus en plus de données portant sur l’état du réseau, les consommations et les productions, à des échelles géographiques et temporelles de plus en plus fines. Ces données permettent à la fois de mieux cibler les actions à destination des consommateurs et d’optimiser les capacités des infrastructures ainsi que les investissements. Le compteur communicant "Linky" apporte à cet égard des informations très utiles pour le pilotage et l’observation des réseaux basse tension.

Quel que soit le scénario retenu de mix électrique, l’évolution des moyens de production, et notamment l’essor important des énergies renouvelables, aura des conséquences importantes sur la structure du réseau électrique. L’atteinte de la neutralité carbone en 2050 implique une augmentation des investissements sur les réseaux, notamment à partir de 2035. Le montant des investissements est d’autant plus élevé que la part d’énergies renouvelables est importante, et l’évolution du réseau de transport demeure ainsi principalement dépendante de celle du parc de production.

Parce que les réseaux électriques sont des infrastructures qui relèvent du temps long et qui nécessitent des investissements importants, il est indispensable de planifier dès à présent leur transformation et les investissements associés afin de garantir la stabilité du système électrique et rendre possible la transition énergétique.

Les rythmes soutenus de raccordement des installations de production aux réseaux constitueront un défi technique. Notamment dans un contexte d'attentes fortes sur une plus grande rapidité et réactivité des adaptations du réseau, mais aussi sur la minimisation des impacts potentiels des nouvelles infrastructures sur l’environnement.