Le contexte et les enjeux mondiaux et européens en matière de politique énergétique et climatique

Les gaz à effet de serre (GES1) ont un rôle essentiel dans la régulation du climat. Sans eux, la température moyenne sur Terre serait de -18 °C au lieu de +14 °C et la vie n’existerait peut-être pas. Toutefois, depuis le XIXème siècle, l’homme, par ses activités (notamment l'usage des énergies fossiles pour la production d’énergie, le transport, le chauffage et la production de biens industriels) a considérablement accru la quantité de GES présents dans l’atmosphère. Cela modifie l’équilibre climatique naturel et cause « le changement climatique ».

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a dressé dans son 6ème rapport d’évaluation les principaux constats suivants : 

  • la hausse de la température globale s’est accentuée ; 
  • les conséquences du changement climatique déjà observées seront renforcées au fur et à mesure du réchauffement global. Cela touche notamment les extrêmes de température, l’intensité des précipitations, la sévérité des sécheresses, l’augmentation en fréquence et intensité des événements climatiques aujourd’hui rares. Les risques s’aggravent dans toutes les régions du monde, en particulier dans les plus vulnérables ;
  • le changement climatique a des impacts importants sur la biodiversité et les écosystèmes, la sécurité de l’accès à l’eau et à l’alimentation, les infrastructures, la santé et le bien-être, ainsi que l’économie et la culture.

Pour limiter les effets du changement climatique, les pays signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) se sont notamment donnés pour objectif en 2015 dans l’Accord de Paris de maintenir l’augmentation de la température mondiale « nettement en dessous » de 2 °C d’ici à 2100 par rapport aux niveaux préindustriels et poursuivre les efforts en vue de limiter cette augmentation à 1,5 °C. Parvenir à ces objectifs implique une action immédiate, rapide et de grande ampleur pour réduire les émissions de GES et atteindre zéro émission nette autour de 2050, c’est–à-dire la « neutralité carbone ».

La neutralité carbone est entendue comme un équilibre entre les émissions de GES et les absorptions de carbone par les écosystèmes gérés par l’être humain (forêts, sols agricoles) et par les procédés industriels (capture et stockage ou réutilisation du carbone).

Schéma équilibre de la neutralité carbone
La neutralité carbone (Source : Stratégie nationale bas carbone - Avril 2020)

La neutralité carbone est un équilibre entre :
les émissions de GES sur le territoire national
L'absorption de carbone :
écosystèmes gérés par l’homme (forêt, sols agricoles, etc.)
procédés industriels (capture et stockage ou réutilisation de carbone)

Pour en savoir plus :

 

1 Les principaux gaz à effet de serre sont le dioxyde de carbone (CO2) (issu de la combustion d'énergies fossiles, et des changements d'affectation des terres ou de la déforestation [UTCATF]), ainsi que le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O) (tous deux issus en grande partie de l'agriculture et de l'industrie). Les gaz fluorés (PFC, HFC, SF6), utilisés principalement pour les usages réfrigérants, contribuent plus faiblement au réchauffement, mais leurs émissions sont en forte croissance. Une fois libérés dans l’atmosphère, les gaz à effet de serre y restent pendant des dizaines, voire des centaines d’années (durée de vie des émissions de CO2 dans l’atmosphère : supérieure à la centaine d’années ; durée de vie du méthane dans l’atmosphère : de l’ordre de 12 ans ; durée de vie du protoxyde d’azote : de l’ordre de 120 ans et celle de l’hexafluorure de soufre (SF6) : de l’ordre de 50 000 ans). Par conséquent, lorsqu’une politique climatique est mise en place, les émissions antérieures continuent d’influencer le climat pendant plusieurs décennies.

L’atteinte de la neutralité carbone au niveau mondial

En 2021, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a publié deux rapports « Net Zero by 2050 - A Roadmap for the Global Energy Sector » et « World Energy Outlook 2021 » consacrés à la neutralité carbone. Si des engagements d’atteindre la neutralité carbone ont déjà été pris par une cinquantaine de pays dans le monde, l’AIE estime qu’ils permettront de faire baisser les émissions au niveau mondial, mais que leur mise en œuvre ne sera pas suffisante pour que la planète atteigne globalement la neutralité carbone.

Pour l’AIE, l’atteinte de la neutralité carbone reste possible, mais des engagements supplémentaires doivent être pris dès à présent. Quatre mesures phares sont identifiées par l’AIE :

  • Passer véritablement à la vitesse supérieure en matière d’électrification bas carbone en doublant les déploiements de projets photovoltaïques et éoliens par rapport aux engagements actuels, et en augmentant fortement la production issue d’autres sources d’énergie bas-carbone, y compris l'énergie nucléaire;
  • Travailler sans relâche à améliorer l’efficacité énergétique, tout en prenant des mesures pour modérer la demande de services énergétiques en encourageant l’utilisation rationnelle des matières premières et l’évolution des comportements ;
  • S’employer activement à réduire les émissions de méthane provenant du secteur des énergies fossiles ;
  • Stimuler fortement l’innovation dans le domaine des énergies propres.

L’atteinte de la neutralité carbone au niveau européen et le paquet Fit for 55

Avec le pacte vert pour l’Europe adopté par la Commission européenne en décembre 2019, l’Union européenne (UE) s’est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050 et, pour ce faire, à accélérer la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, en passant d’un objectif de moins 40% brut en 2030 à un objectif de réduction nette d’au moins 55% en 2030 par rapport aux niveaux de 1990, tout en limitant la contribution du puits carbone européen à l’atteinte de cet objectif. 

A titre de comparaison :

  • Le Japon vise une réduction de ses émissions de GES de 46% en 2030 par rapport à 2013 et de poursuivre ses efforts pour relever le défi d'une réduction de 50% à cette échéance ;
  • La Chine vise à ce que ses émissions de CO2 atteignent un pic avant 2030 et à ce que la neutralité carbone soit atteinte avant 2060. A l’horizon 2030, la Chine vise une réduction de ses émissions de CO2 par unité de PIB de plus de 65% par rapport à 2005 ;
  • Les Etats-Unis visent une réduction de ses émissions de GES en 2030 de 50 à 52% par rapport à 2005 ;
  • L’Australie vise une réduction de ses émissions de GES de 43% en 2030 par rapport à 2005 et de parvenir à des émissions nettes nulles d’ici 2050.

Pour atteindre les nouveaux objectifs climatiques européens, une révision majeure de la législation en matière de climat, d’énergie et de transport est nécessaire. La Commission a ainsi proposé, en juillet 2021, un ensemble de 12 propositions et révisions législatives dénommé « Ajustement à l’objectif 55 » ou « Fit for 55 ». Ces propositions sont en cours de négociation entre les 27 Etats membres de l’UE, la Commission européenne et le Parlement européen afin de trouver un accord sur ces textes.

Grâce à un intense travail durant le premier semestre 2022, la Présidence française du Conseil de l’Union européenne a obtenu des accords entre Etats membres sur tous les textes du paquet Fit for 55 (à l’exception de la directive sur la taxation de l’énergie, qui vise notamment à établir une taxation progressive du kérosène et qui est toujours en cours de négociation). Les Etats ont ainsi validé un nouveau cadre législatif permettant l’atteinte de l'objectif de -55% d’émissions en 2030 et révisant les politiques et mesures sectorielles dans le domaine de l’énergie :

  • renforcer le marché carbone européen « EU-ETS » (European Union-Emissions Trading System) afin de réduire de -61% au lieu de -43% les émissions des secteurs qui y sont soumis par rapport à 2005 (production d’électricité, industrie lourde, aviation intra-européenne) sur un périmètre incluant l’aviation et élargi au transport maritime ;
  • créer d’un marché carbone européen séparé pour les secteurs des transports routiers et du bâtiment associé à un nouveau « Fonds social pour le climat » accompagnant financièrement la transition des ménages modestes et PME vers des solutions bas carbone.
  • créer un Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) qui doit permettre de protéger les entreprises européennes de la compétition non-loyale d'acteurs étrangers soutenus par des Etats qui ne respectent pas les mêmes standards environnementaux;
  • réduire à horizon 2030 de -40% au lieu de -29% les émissions des secteurs non soumis au marché carbone par rapport à 2005 (transports, bâtiment, agriculture, déchet, industrie hors ETS), chaque Etat membre se voyant assigné un objectif national contraignant ;
  • fixer un objectif au niveau de l’UE d’absorptions nettes de GES d’au moins 310 millions de tonnes équivalent CO2 d’ici à 2030 (contre 225 MtCO2e actuellement) réparti entre les Etats selon des objectifs nationaux ;
  • rehausser l’objectif européen de 32 à 40% d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale en 2030 ;
  • relever l’objectif en matière d’efficacité énergétique d’au moins 32,5% à 36% en énergie finale en 2030 par rapport à 1990 (ce qui correspondra à une baisse de 9% entre 2020 et 2030) ;
  • dans le domaine des transports : mettre fin à la vente des voitures et véhicules utilitaires légers thermiques neufs en 2035, accélérer le déploiement des infrastructures de recharge en carburants alternatifs, ou encore développer des carburants alternatifs dans le transport maritime et dans l’aviation. 
  Objectif 2030 actuel Objectif 2030 prévu par Fit for 55

Réduction des émissions totales de GES (par rapport à 1990)

-40% brut -55% net

Réduction des émissions de GES (par rapport à 2005) des secteurs soumis au marché carbone européen « EU-ETS » (production d’électricité, industrie lourde, aviation intra-européenne)

-43% -61%

Réduction des émissions de GES (par rapport à 2005) des secteurs non soumis au marché carbone européen « EU-ETS » (transports, bâtiment, agriculture, déchet, industrie hors ETS)

-29% -40%

Absorptions nettes de GES

255 MtCO2e 310 MtCO2e
Part d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie 32% 40%
Efficacité énergétique en énergie finale (par rapport à 1990) 32,5% 36%

Principaux rehaussements d'objectifs au niveau européen prévus par le paquet Fit for 55 (source DGEC)

Parallèlement aux accords entre Etats membres, le Parlement européen, co-législateur dans ces domaines, a également adopté ses positions sur l’ensemble des textes du paquet Fit for 55 avec une ambition proche de celle obtenue par la Présidence Française de l’Union Européenne. S’ouvre actuellement une phase de conciliation des positions respectives du Conseil et du Parlement européen dans le cadre du « trilogue », la Commission européenne jouant un rôle de médiatrice. L’adoption de ces textes au plus vite permettra la mise en œuvre rapide de ce nouveau cadre climatique en vue de l’atteinte effective de l’objectif de -55% en 2030.

Le plan REPowerEU, annoncé par la Commission européenne en mai 2022 à la suite du déclanchement de la guerre en Ukraine, vise à renforcer plusieurs objectifs, en particulier en matière d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables, par rapport à ce que prévoit le paquet Fit for 55, et nécessitera que les négociations européennes sur ces objectifs se poursuivent.

L’ensemble de ces politiques européennes doit permettre d’accélérer la décarbonation de l’économie de l’UE à travers tous les secteurs et permettre aux Etats membres, y compris la France, d’atteindre leurs objectifs climatiques nationaux. 

Le contexte de la guerre en Ukraine

A la suite de l’attaque de l’Ukraine par la Russie, les 27 Etats membres de l’Union européenne ont pris un certain nombre de sanctions vis-à-vis de la Russie et ont cherché à réduire leurs importations d’hydrocarbures depuis ce pays. L’UE importe plus de 40% de sa consommation de gaz de Russie, et respectivement 25% et 20% de son pétrole brut et diesel. Elle a prononcé un embargo sur le pétrole russe d’ici la fin de l’année 2022. De son côté, la Russie a réduit ses approvisionnements en gaz à destination de l’UE. Pour y faire face, cette dernière a ainsi commencé à anticiper, dès le printemps 2022, une interruption totale des approvisionnements en gaz russe.

Le Conseil de l’Union européenne, présidé par la France puis la République Tchèque, a pris, sur proposition de la Commission européenne, une série de mesures pour faire face cette situation notamment :

  • mi-mars 2022 : connexion de l’Ukraine au système électrique européen ;
  • mai 2022 : accord sur le règlement européen sur le stockage minimal de gaz et présentation par la Commission du plan REPowerEU ;
  • juillet 2022 : accord des Etats membres sur une réduction volontaire de 15% de la demande de gaz naturel entre août 2022 et 31 mars 2023 pour renforcer la sécurité de l'approvisionnement en énergie de l'Union Européenne.

Plus spécifiquement, le plan REPowerEU, présenté le 18 mai 2022, qui vise à réduire rapidement la dépendance à l'égard des combustibles fossiles russes et à accélérer la transition écologique de l’UE, propose de :

  • renforcer les mesures à long terme visant l'efficacité énergétique, notamment en relevant de 9% à 13% l'objectif contraignant en matière d'efficacité énergétique prévu dans le paquet Fit for 55 entre 2020 et 2030 ;
  • porter de 40% à 45% l’objectif pour 2030 en matière d'énergies renouvelables prévu dans le paquet Fit for 55 ;
  • diversifier les approvisionnements via des achats communs volontaires de gaz, de gaz naturel liquéfié (GNL)  et d'hydrogène ;
  • réduire la consommation de combustibles fossiles dans l'industrie et les transports.