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La décarbonation est la finalité. Visons les bons objectifs

Bernard Dujardin

18/01/2023 - 20h09

Les objectifs sont les cubes à assembler pour bâtir le mausolée funéraire des énergies fossiles. Les objectifs par ordre d’importance sont (sondage CSA du 3 septembre 2022) : pouvoir d'achat 48% environnement27% santé pénuries d'énergie. Objectif socle, un mix énergétique bon marché Sans paix sociale, pas de décarbonation possible. Manifestations violentes des oubliés de la République, revendications corporatives et lock-out contre la flambée des prix de l’énergie sont des signaux forts de l’ardente obligation d’une énergie bon marché, rarement mise en avant dans la politique climatique. L’émotion l’emporte trop souvent sur la réflexion documentée. L’influence de la « croissance zéro » s’inscrit jusque dans la législation nationale : Loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique pour la croissance verte Les quatre scénarios Transition 2050 (ADEME 2021) pour atteindre la neutralité carbone ont tous recours à une baisse de la consommation d’énergie 2015, allant de 25% à 55%. Aucun n’est applicable dans une démocratie respectueuse des aspirations sociales de la population. Le mouvement des gilets jaunes et le soutien massif qu’il a inspiré dans les classes moyennes et populaires procèdent d’une approche « croissance zéro » colorée verte. La crainte des fins de mois difficiles l’emporte sur la peur d’une fin du monde hypothétique. Plus de la moitié de la population française a un souci quotidien, son pouvoir d’achat. M. Jancovici observe la permanence de « la corrélation linéaire entre croissance économique et croissance de la consommation énergétique [qui] n’a pas été perturbée par les politiques climatiques de sobriété énergétique. » Aucune démonstration n’a été en mesure de démentir cette corrélation. Le professeur Jevons préface la « Coal question » en 1866 : « Nous ne devons pas songer à nous mêler du libre usage des richesses matérielles que la Providence [incarnée par les mines de charbon devenues exploitables] a mises à notre disposition, mais notre unique devoir consiste à en user avec sérieux et sagesse. Nous devons les dépenser à élever la condition sociale et morale du peuple et à alléger les charges des générations futures. » Les énergies ne sont bon marché que si l’offre est supérieure à la demande, seul moyen d’éviter les prix spéculatifs. Elles doivent être abondantes et variées dans un Monde où la concurrence pour s’en approprier les ressources est d’autant plus vive que les ambitions d’émergence des pays en développement sont encouragées avec raison par les Nations unies. L’objectif de mise à disposition du pays d’un mix d’énergies bon marché et par nature abondante est le socle de toute stratégie énergétique. Il garantit une croissance partageable pour mieux répartir les fruits du développement économique sans engendrer de troubles sociaux. La réindustrialisation annoncée en France à la suite de la pandémie de covid appelle également une énergie abondante, bon marché et décarbonée. L’objectif coût des énergies doit être raisonnable. Nous proposons comme étalon d’énergie primaire, le baril équivalent pétrole (BEP) à 53,7 $, soit le MWh d’équivalent pétrole brut à 31,6 $ ou 30 € (cours au 5 janvier 2023). Ce seuil de 30 €/MWh est celui des énergies primaires décarbonées avant « raffinage ». Les énergies finales pourront alors être fournies à un prix de croissance, aux activités économiques, aux services publics et aux particuliers. Objectif sécurité énergétique La sécurité énergétique relève de la sécurité de la nation au même titre que la sécurité du système de santé. Elle se décline en indépendance énergétique ou en souveraineté énergétique. Le concept d’indépendance ou de souveraineté énergétique à retenir pour être opérationnel est un concept relatif. En matière d’uranium, la France peut être dépendante de ressources étrangères mais dès lors qu’elle s’est constituée un stock pour 20 ans, elle a placé sa souveraineté à l’abri de dépendances extérieures. En laissant se délocaliser la production de matériels de santé et de médicaments pour assurer la gratuité de la santé au moindre coût, l’État s’est mis en défaut de garantir la sécurité de l’appareil de santé publique. Le générique couplé au flux tendu s’est traduit par un abandon de souveraineté. La question est alors de savoir si primo, le gouvernement, du fait de la capacité financière de la France liée à son endettement, ne serait pas obligé d’accepter que la France soit à la remorque de l’Allemagne, « puissance motrice » de l’Europe unie ; si secundo à l’instar de celle de cet État membre, la diplomatie française était en mesure d’imposer au titre de la sécurité nationale, ses principes de souveraineté aux instances européennes. L’indépendance énergétique relative a un coût à prendre en charge dans l’équation énergétique. C’est le principe appliqué après le premier choc pétrolier de 1973, par le plan Messmer de développement d’un parc de réacteurs nucléaires commerciaux par EDF. Son objectif est a mise en place d’aune capacité de production d’électricité pilotable ne recourant pas aux énergies fossiles importées. Les 13 GW de départ sont devenus au fil du temps 75 GW avec 58 réacteurs jusqu’à la fermeture des deux unités de Fessenheim juste avant le choc électrique de 2021. Ce dernier événement met en lumière la nécessité de disposer d’une capacité pilotable excédentaire pour gérer la sécurité énergétique. Une indépendance énergétique s’acquiert en devenant exportateur d’énergie. Les clients étrangers cofinancent de la transition énergétique nationale. Et pour exporter, il faut se placer sur les marchés en position de force et non de faiblesse. L’objectif de sécurité énergétique passe par la maîtrise industrielle et technologique des chaînes de valeur des sources d’énergies décarbonées. Si cette maîtrise subsiste dans le secteur de la maintenance du parc hydraulique, les sites à aménager l’ayant été, elle est vulnérable dans le secteur nucléaire et balbutiante dans l’éolien marin.