Nécéssité d'une ré-analyse de certains scénarii RTE au vu des principaux évènements de 2022
08/01/2023 - 21h06
Les 6 scenarii du mix électrique français à 2050 de RTE font désormais autorité depuis leurs publications en octobre 2021. Ils sont repris par le Président de la République dans son discours de septembre 2022 à Saint Nazaire, qui semble privilégier le scenario N2 (36% de nucléaire dans le mix électrique). Depuis la parution de ces scenarii, plusieurs éléments majeurs ayant des conséquences très lourdes sur l’énergie sont intervenus en 2022, notamment : a) une sècheresse très marquée sur l’ensemble de la France témoignant d’un impact de plus en plus important de la dérive climatique . Celle-ci a eu des conséquences très significatives sur le refroidissement des centrales nucléaires et sur le remplissage des lacs de barrage, limitant la production électrique de ces installations pilotables, b) détection de désordres graves sur les anciennes centrales nucléaires qui risquent de se reproduire, voire de s’aggraver avec des installations très complexes et exploitées depuis de plus de 40 ans, c) poursuite des fermetures prématurées d’entités pilotables en Europe, accentuant les risques de délestage, comme en France en décembre 2022, d) embargo pétrolier et surtout gazier lié à la guerre en Ukraine, entrainant une pénurie et une explosion du prix de ce dernier combustible vital, notamment pour l’Allemagne. Le prix au MWh (PEG mensuel et TTF néerlandais) est resté dans la fourchette de 20-25 euros durant la dernière décennie. Il a atteint 70 euros en février 2021, puis a grimpé au deuxième semestre 2022 pour atteindre 160 euros en décembre 2022 (avec un pic de 300 euros au cours de l’été 2022 puis est redescendu à 80 euros en janvier 2023. La volatilité extrême du prix du gaz montre la sensibilité du recours à ce combustible. Cette instabilité très pénalisante pour toute la société risque de se reproduire dans les 5 ans à venir. e) le prix du gaz ayant une conséquence directe sur le prix de l’électricité sur le marché européen. La facture électrique est devenue à la limite du supportable tant pour EDF (importation), que pour l’industrie et les PME, ainsi que pour les particuliers. A titre d’illustrations, la loi de finances pour 2023 prolonge une nouvelle fois le bouclier tarifaire, jusqu'au 30 juin 2023. La hausse des tarifs est limitée à 15 % à compter du 1er janvier 2023 pour le gaz, et également à 15 % pour l'électricité à compter du 1er février 2023. Par ailleurs, les très petites entreprises (TPE) de moins de 10 salariés bénéficieront dès janvier 2023 d'un tarif garanti de l'électricité fixé à 280 euros par MWh en moyenne sur l'année 2023. Ce prix est à comparer aux prix de gros sur le marché français de l’électricité : les contrats pour une livraison dans un an se négociaient ce vendredi 6 janvier 2023 autour de 225 euros par MWh. Ce tarif garanti ne concerne que les contrats de fourniture d'électricité, ceux de gaz étant ciblés par des dispositifs d'aide déjà existants (tarif régulé, guichet d'aide...), f) le prix de l’énergie est l’un des principaux facteurs d’accélération de l’inflation. Ces évènements sont à considérer à fin 2022 comme un avertissement sur les conséquences susceptibles de se reproduire avec une acuité similaire voire accrue pour l’hiver 2023/2024 et la décennie à venir. Ils doivent nous permettre de limiter les erreurs sur le moyen terme et nous guider pour effectuer le meilleur choix possible pour un des scenarii proposés pour 2050. Tout cela nous montre d’ores et déjà la fragilité importante du « modèle » allemand, basé sur 100% d’énergies renouvelables nécessitant une quantité très importante de puissance de flexibilité basée sur des centrales à gaz pour les 20 ans à venir. Ce combustible carboné devait provenir essentiellement de Russie transporté par des gazoducs. Cette source étant tarie, le remplacement par du GNL extrêmement polluant, paraît tout à fait inapproprié dans le cadre d’un objectif de neutralité carbone européenne ; sans compter son coût. Dans ces conditions, une nouvelle analyse des scenarii RTE sans nucléaire (M0 notamment) devrait être réalisée par RTE sur les plans techniques et financiers pour tenir compte des nouveaux éléments décrits ci-dessus. Ces derniers pénalisent fortement le scenario M0 (assez proche de la situation vécue au dernier trimestre 2022).
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