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Publié le 03/11/2022 - 17h12

Bernard Maillard

  • D - La garantie – au maximum – de notre indépendance énergétique et industrielle, en assurant autant que possible notre autonomie sur les composants, les technologies, les filières industrielles et les matières premières (acier et terres rares pour les éoliennes, modules photovoltaïques pour la production solaire, métaux critiques pour les batteries électriques, etc.) et les combustibles (uranium pour le nucléaire)

Le mix énergétique doit permettre à la France et à l'Europe de retrouver leur autonomie industrielle et énergétique. En premier lieu, la France et l'Europe doivent reconsidérer l'énergie nucléaire comme un atout stratégique de premier rang pour la production pilotable décarbonée d’électricité. La contre-partie de l'utilisation de l'énergie nucléaire, avec la priorité une à la sûreté nucléaire, est de disposer d'une gouvernance publique engagée sur le long terme, de capacités scientifiques et de compétences industrielles adaptées, d’exploitants nucléaires responsables, d’une autorité de sûreté compétente et indépendante des exploitants, le tout contrôlé par la puissance publique. Cela suppose de supprimer le terme transitoire associé à l'énergie nucléaire. La durée d'exploitation portée à 80 ans aux US sur des réacteurs de conception initiale similaire aux réacteurs français constitue un retour d’expérience à exploiter. La décision de renouvellement des réacteurs doit intégrer la nécessaire continuité dans le maintien des compétences de toute la filière industrielle. La démonstration de sûreté à la conception requiert une attention particulière au regard de la responsabilité de l’exploitant nucléaire en matière de sûreté. La disponibilité des ressources d’uranium requiert une politique diversifiée d’approvisionnement à travers le monde, de maintenir fermé le cycle du combustible avec retraitement des combustibles usés et de reprendre les études de la filière à neutrons rapides. Celle-ci permet de valoriser d’un facteur 50 les réserves disponibles. L’ouverture à la concurrence ne constitue pas un objectif premier en soi. Les exploitants nucléaires doivent être responsabilisés et contrôlés dans leur contribution au service public, en matière de sécurité d’approvisionnement d’énergie pilotable décarbonée pour le plus grand nombre, de sûreté nucléaire, et de performance industrielle. La régulation ARENH qui n’apporte aucune valeur ajoutée dans la lutte prioritaire contre l’effet de serre climatique et la sécurité d’approvisionnement, et qui est destructrice de valeur au regard des missions de service public, doit être supprimée. L’exploitant nucléaire historique EDF doit être conforté dans son rôle en prenant en compte la valeur ajoutée du caractère intégré du Groupe pour les missions de service public dont il est investi. Dans la priorité à la sûreté nucléaire, le nucléaire existant comme les nouveaux pays entrants dans le nucléaire nécessitent un soutien spécifique. Afin que le nucléaire puisse apporter sa contribution d’énergie sûre décarbonée et pilotable dans le mix au niveau mondial, la France et l’Europe, par leur expérience et leur compétence, doivent jouer un rôle actif dans les organisations internationales (AIEA, WANO…) Le parc hydraulique, intégrant notamment les stations de pompage hydraulique, est également stratégique au titre de la production pilotable décarbonée d’électricité. Les ouvrages, certains plus que centenaires, requièrent une attention particulière au regard de la sûreté hydraulique. L’ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques n’est pas un objectif en soi. Les exploitants hydrauliques doivent être responsabilisés et contrôlés dans leur contribution au service public, en matière de sécurité d’approvisionnement d’énergie pilotable décarbonée pour le plus grand nombre, de sûreté hydraulique, et de performance industrielle. La régulation hydraulique prend en compte le multiusages de l’eau (production d’électricité, irrigation, eau potable, loisirs…). Les opportunités de développement de nouvelles installations de pompage/stockage, y compris maritimes, doivent être étudiées. Le développement des énergies renouvelables ne doit pas porter préjudice à l’équilibre des comptes publics ni au pouvoir d’achat du consommateur final. L’électricité française déjà décarbonée, grâce au parc hydraulique et nucléaire existant, doit conduire, au regard du principe de subsidiarité de l’Union Européenne, à réinterroger le calendrier de déploiement du nouveau renouvelable en France. Avec une intermittence qui peut introduire un facteur de variation de 1 à 100 en plein hiver (cf la production éolienne d’électricité qui a varié en janvier 2022 en France de 155 MW à 14848 MW ), le respect des engagements pris au titre de la COP 21, au niveau de la France et de l’Union Européenne, exige, au préalable de tout nouveau développement de renouvelable intermittent, de prendre en considération le pilotable décarboné disponible et garanti prévu dans les décennies à venir, avec des marges suffisantes au regard de la sûreté du système électrique et des objectifs de diminution des émissions de carbone. La prise en compte comme moyen pilotable décarboné de stockage dans des batteries et dans la production décarbonée d’hydrogène requiert de disposer de pilotes industriels apportant une démonstration robuste de la faisabilité industrielle et de la rentabilité économique. L’élaboration de la cible du mix énergétique requiert la prise en compte du cycle carbone et des enjeux socio-environnementaux et économiques de l’évolution des réseaux et des infrastructures logistiques associées d’approvisionnement et de distribution jusqu’au client final. La concertation la plus étroite possible avec les populations et les territoires concernés doit accompagner enfin toute évolution du mix énergétique.