Publié le 09/01/2023 - 16h25
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A - Se limiter à optimiser l’existant, car il n’apparaît pas opportun de développer de nouveaux projets
Nos rivières et nos milieux aquatiques rendent une multitude de services à nos sociétés (liste non-exhaustive) : approvisionnement en eau potable, épuration, services économiques (pêche professionnelle et nombreuses activités de loisirs, notamment la pêche de loisir, avec plus d’1 million de pêcheurs qui, en achetant leur carte de pêche, contribuent au financement des agences de l’eau…), services culturels (bien-être, qualité de vie, attractivité des territoires), … A l’heure où moins de 1% de notre réseau hydrographique est en très bon état écologique, où plus de la moitié des masses d’eau superficielle n’atteindra pas le bon état écologique en 2027, où 1 espèce de poissons de nos rivières sur 5 est menacée de disparition (selon la Liste rouge des espèces de poissons menacées en France publiée par l’IUCN en 2019), où les populations d’écrevisses autochtones, de bivalves (comme la moule perlière ; Moorkens et al., 2018) et d’insectes (perte de diversité, chutes d’abondance des espèces spécialisées ; Hallmann et al., 2017 ; Jactel et al., 2020) subissent la même tendance, et alors que les changements climatiques exacerbent les pressions sur nos rivières et leur biodiversité, notre responsabilité collective est de placer au centre de nos priorités d’action l’arrêt de cette érosion alarmante de notre biodiversité aquatique et le maintien voire le développement des services rendus par les rivières. Cela passe par une restauration des milieux aquatiques et la conservation des rares milieux qui sont encore en bon état écologique. Il faut impérativement accompagner les écosystèmes aquatiques dans leur adaptation aux bouleversements en cours et à venir, assurer la résilience de nos rivières et leur biodiversité. Avec près d’un seuil ou barrage tous les 6 km, nos cours d’eau sont déjà très largement équipés ! Les rivières non-aménagées, fonctionnant encore à débit naturel, sont devenues rares, donc très précieuses au regard des enjeux de conservation de nos écosystèmes et de leur biodiversité associée. Dans les Alpes françaises, qui abritent encore les dernières « rivières joyaux », il reste moins de 800 kilomètres de rivières en « très bon état écologique », moins de 10 % du linéaire total (Rivières Sauvages, 2017). L’hydroélectricité a de nombreux impacts sur les milieux aquatiques (liste non exhaustive) : modification du régime hydrologique et thermique des rivières, augmentation des processus d’évaporation de l’eau, altération des processus morpho-sédimentaires, dégradation de la qualité biochimique des eaux superficielles, diminution de la diversité de la biocénose, réduction des capacités d’auto-épuration, transformation des paysages (bétonisation), … Par ailleurs, le potentiel de développement de la petite et micro-électricité est limité à moins de 1% de la production totale d’électricité de la France et concerne avant tout des intérêts privés et locaux, comme le mentionne le rapport du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable en 2016 consacré à ce sujet (CGEDD, 2016). Depuis 20 ans, la puissance installée hydroélectrique est restée stable, là où l’éolien et le solaire n’ont cessé de croitre (Collectif citoyen HydroManifeste, 2021). Le facteur le plus limitant est de loin le fait que notre pays a équipé tout ce qui pouvait l’être, et déjà depuis plus de 20 ans ! Aujourd’hui, la production hydroélectrique totale nationale est issue à 80% de la « grande hydroélectricité ». Or, tous nos massifs disposant d’un relief capable d’accueillir ces équipements ont été équipés. Les sites non encore équipés présentent des enjeux de production marginaux. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 2023) confirme ce point. Là où celle-ci prévoit d’initier des appels d’offres annuels pour installer 925 MW d’éolien terrestre, 1 000 MW d’éolien en mer et de solaire, ceux pour l’hydroélectricité ciblent 35 MW. En 2020, les objectifs nationaux issus de cette PPE en termes de puissance installée à horizon 2023 ont déjà été atteints à 99.3%. Aujourd’hui, ce sont les ouvrages de grande retenue (la « grande hydroélectricité » ; hauteur de chute > 15 mètres ; puissance installée > 10 MW) qui fournissent l’immense majorité de la production hydroélectrique totale en France (environ 11 % de la production électrique française en 2019, d’après les données de RTE). Les ouvrages au fil de l’eau, qui composent plus de 90% des ouvrages de nos rivières (environ 2 300 centrales en France), ne contribuent qu’à hauteur de 10% à cette production totale, tout en sachant qu’au sein de ces 10%, la grande majorité est générée par les ouvrages de nos grands fleuves aménagés et en particulier le Rhône et le Rhin. Si on retire la vingtaine de grands ouvrages présents sur ces grands fleuves, on peut affirmer que la plupart des barrages hydroélectriques au fil de l’eau en France (la « petite hydroélectricité » ; puissance installée < 10 MW) offre une contribution très faible à notre production d’électricité totale. Des milliers d’ouvrages sur nos rivières, pour moins de 1% de production. Pour finir, la petite hydroélectricité est une source directement dépendante de l’hydrologie naturelle des rivières. Or, dans un contexte de changement climatique, l’eau « bleue » (celle sur laquelle on peut effectuer un prélèvement, tout usage confondu) va se raréfier sur l’ensemble du territoire. Le rapport Explore 70, établi par le BRGM (Stollsteiner, 2012) prévoit une baisse du débit moyen annuel des cours d'eau sur toute la métropole. Pour une majorité de points de mesure, le débit moyen annuel pourrait baisser de l'ordre de 10 à 40 %. Parmi les territoires qui seront les plus touchés, on retrouve les 2 plus grands territoires à enjeu pour l’hydroélectricité à savoir les massifs alpins et pyrénéens. Ce rapport nous dit également que les débits d'étiages seront plus sévères, plus longs et plus précoces, avec des débits estivaux réduits de 30 à 60 %. Ainsi les tensions sur la ressource hydrique vont augmenter sensiblement dans les années à venir, engendrant inéluctablement des limites supplémentaires pour la production hydroélectrique. Cette petite hydroélectricité ne constitue donc pas un enjeu d’avenir stratégique dans le cadre de notre transition écologique, à l’inverse de l’optimisation de la production et de l’amélioration de la pilotabilité de la grande hydroélectricité. Pour exemple, dans le cadre du chantier de modernisation de la chaine de production EDF de Romanche-Gavet, deux groupes de production d'une puissance unitaire de 47 MW ont été installés pour porter la production du site à 560 GWh/an. Le gain, 155 GWh, correspond à la consommation d'une ville de 60 000 habitants. Un seul chantier de modernisation comme celui-ci correspond, en termes de puissance installée, à 3 fois l’objectif annuel de nouvelles installations en petite hydroélectricité fixé à la PPE 2023 ! Dans le rapport de la « Stratégie française pour l’énergie et le Climat – Programmation Pluriannuelle de l’énergie » produit par le Ministère de la transition écologique et solidaire, on peut lire, page 115 : « Compte tenu de leur coût plus élevé et de leur bénéfice moins important pour le système électrique au regard de leur impact environnemental, le développement de nouveaux projets de faible puissance doit être évité sur les sites présentant une sensibilité environnementale particulière. En revanche, les suréquipements ou les nouveaux aménagements permettant d'améliorer la flexibilité du parc doivent être priorisés. » (Ministère de la Transition écologique et solidaire, 2019). La France, dans sa politique de transition énergétique, se doit de tout mettre en œuvre pour respecter « en même temps » ses engagements, envers l’Europe, d’atteinte du bon état écologique des rivières. « Patrimoine commun de la Nation », nos rivières doivent être le support de projets sociétaux intégrés et durables et non la cible d’intérêts privés. Argumentaire largement inspiré du manifeste du Collectif citoyen HydroManifeste, consultable sur le site : https://hydromanifeste.files.wordpress.com/2021/06/dossier_hydroelec_bo… Par ailleurs, pourquoi ne pas développer le turbinage dans les réseaux (eaux brutes approvisionnant les usines de production d'eau potable, eaux usées) : https://www.actu-environnement.com/ae/news/Turbiner-reseaux-33123.php4)
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