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Publié le 11/12/2022 - 20h23

Sylvain Rebillat

  • A - Des efforts très importants, permettant de limiter fortement les besoins énergétiques associés. Ce scénario nécessiterait une généralisation d’une très forte sobriété des usages, notamment en ce qui concerne la température moyenne du chauffage (baisse de 2°C en moyenne, ce qui conduirait à une température moyenne de 17°C), la consommation d’eau chaude et l’utilisation d’appareils électroniques et électro-ménagers.

L’adhésion d’une majorité de citoyen.ne.s au changement radical de mode de vie ne sera accessible que si nous y travaillons collectivement. La place de l’Etat est centrale pour coordonner cette démarche et pour transformer l’imaginaire collectif. Le récit collectif que nous connaissons depuis l’après-guerre, basé sur une recherche de croissance du PIB infinie et sur une consommation effrénée est tout à fait incompatible avec la préservation du vivant et des espaces naturels. L’une des actions à mener par l’Etat est de transformer le récit collectif qui garantit la cohésion sociale. L’Etat devra également s’assurer que toutes les politiques publiques mises en œuvre ne présentent pas de dissonance avec ce récit commun. Par exemple, le maintien de la publicité pour des biens de consommations est tout à fait incompatible avec la recherche de la chute de consommation indispensable à notre survie. L’engagement de l’Etat est indispensable pour fédérer l’ensemble des citoyen.ne.s dans une démarche de sobriété, en veillant au maintien de la cohésion sociale, mais aussi pour mettre en œuvre des politiques publiques qui favorisent la sobriété. Pour cela, l’Etat pourra s’appuyer sur les services, les associations, les agences d’Etat (l’ADEME), les réseaux d’acteurs locaux, qui travaillent sur ces sujets depuis de nombreuses années. La politique devra être articulée avec les territoires, et mise en œuvre en partenariat avec les collectivités locales, afin de s’appuyer sur les initiatives locales existantes et de construire une action planifiée, cohérente et adaptée à chaque contexte. Cela présuppose de reconstruire patiemment le lien de confiance fortement dégradé entre les collectivités locales et l’Etat. Ainsi, un engagement très fort de la puissance publique est indispensable. Par exemple, dans le domaine du bâtiment, le vaste chantier de réhabilitation énergétique ne peut être engagé sans mise en place d’une filière de formation professionnelle suffisante, qualifiée et organisée. Le rythme actuel de rénovation énergétique, à un niveau famélique, et les très faibles bénéfices des opérations réalisées, témoignent de l’absolue nécessité d’un fort engagement de l’Etat pour dynamiser cette filière et adapter les politiques de soutien. Il s’agit de favoriser les opérations de réhabilitation globales, de qualité, efficaces et durables. Aussi les techniques et matériaux bénéficiant du soutien de l’Etat ne peuvent être issus de process très énergivores et doivent permettre d’améliorer le confort d’été pour éviter l’apparition de nouveaux besoins (climatisation). L’essor de ces équipements est d’autant plus néfaste que leur utilisation l’aggrave le changement climatique et accentue fortement l’effet d’îlot de chaleur urbain. Seuls les isolants biosourcés, avec un fort déphasage, et les techniques de construction renforçant l’inertie du bâtiment sont à même de répondre à ces enjeux. On notera que dans le domaine du bâtiment (l’un des secteurs les plus consommateurs d’énergie), comme dans les autres domaines, la solution ne peut se borner à une seule amélioration technique. L’ensemble des leviers de la sobriété sont à actionner pour réduire sensiblement l’empreinte du bâtiment en France. Il s’agit notamment de maîtriser la surface de bâti par personne. Diverses incitations peuvent être mises en œuvre pour favoriser la colocation ou la cohabitation intergénérationnelle. Le taux de logements vacants ou très faiblement occupés (résidence secondaire) est de près de 20% en France. Il est crucial d’agir pour réduire ce taux de vacance, avec des effets bénéfiques sur la cohésion sociale, la garantie d’un logement pour tou.te.s, la réduction de l’imperméabilisation des sols, la consommation d’énergie et de matériaux, l’extraction de ressources naturelles. Ces premières actions de sobriété dimensionnelle, sur lesquelles l’Etat est un acteur incontournable, peuvent être complétées de multiples autres actions visant à réduire la surface bâtie en France, avec un travail sur la modularité des usages et la mutualisation des espaces. En matière de transports, la construction du parc de véhicules individuels pour le parc Français a engendré la consommation de 1 400 Millions de m3 d’eau, soit 6 fois la consommation annuelle de Paris et 380 Millions de tonnes de matière première, soit le poids de 38 000 Tours Eiffel. En outre, près de 20% des consommations d’énergie en France sont dues aux voitures individuelles chaque année. Ce modèle est totalement insoutenable. Par conséquent, nous devons adapter notre territoire pour faire chuter la place de la voiture. Les modes de déplacement à favoriser sont la marche, les modes actifs et les transports en commun. Le développement de ces modes de déplacement permettra de bénéficier de retombées positives en matière de santé publique, de bien-être et d’amélioration très sensible du cadre de vie (réduction des nuisances acoustiques, du danger, des émissions de polluants, de l’encombrement de la voie publique, etc.). Les citoyen.nes Français.es ne peuvent faire le choix de modes de transports sobres sans développement d’infrastructures publiques sur le territoire. Ainsi, l’Etat doit ériger en priorité absolue le développement d’infrastructures publiques permettant de réduire drastiquement et très rapidement notre consommation d’énergie. Une action massive, organisée, mise à la portée de tout.e.s de la part de l’Etat permettra de favoriser l’adhésion du plus grand nombre à un changement de mode de vie. Enfin, l’Etat devra ajuster le contexte réglementaire et les incitations pour mettre un coup d’arrêt aux comportements les plus délétères et favoriser la diffusion de modes de vie soutenables. Cette démarche est indispensable pour garantir une juste contribution de l’ensemble des citoyennes et citoyens à l’effort collectif et pour préserver la cohésion sociale.