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Publié le 18/01/2023 - 17h17

marine.bernicot@gmail.com

  • C - Développer tous les projets hydroélectriques, y compris les très petites installations pour maximiser les capacités installées, et y compris les projets plus coûteux, tout en essayant de limiter les impacts environnementaux

Choix B ou C, l'écart est tellement grand qu'il est difficile de trancher. En tant que professionnelle du secteur (ISL Ingénierie), je suis tout à la fois convaincue qu'il faut continuer à s'engager pour le développement de la filière hydroélectrique, tout en œuvrant à maitriser son impact environnemental. Certains projets sont faisables, d'autres non, sans position dogmatique, ni postulat sur la taille du projet. Pour avoir participé à certains débats, il est assez atterrant de voir autant de mauvaise fois (de la part de tous) lors des débats concernant l'avenir d'une filière qui a besoin de visibilité. Je reprendrais ici le contenu de la contribution du CFBR, qui me semble très bien synthétiser l'enjeu : L’hydro-électricité est restée trop longtemps oubliée dans le débat public, et ses atouts méconnus comme l’a rappelé l’Agence Internationale de l’Energie en 2021 dans son rapport spécial sur l’Hydro. Sur l’enjeu de décarbonation : l’hydroélectricité présente un facteur d’émission très faible – médiane mondiale de 24 gCO2eq/kWh, moyenne inférieure à 10 gCO2eq/kWh en France métropolitaine, la plaçant parmi les technologies de production d’électricité les moins émettrices (avec d’autres renouvelables et le nucléaire). De plus l’hydro-électricité affiche le meilleur « retour sur investissement énergétique » (EROEI) de toutes les formes de production d’énergie électrique, atout très largement méconnu et totalement occulté dans le débat public. Sur l’enjeu de sécurisation de l’équilibre Offre-Demande du système électrique : l’hydro-électricité présente ici l’un de ses atouts majeurs : c’est la seule « grande » énergie renouvelable qui soit pilotable grâce aux barrages-réservoirs de grande capacité, et grâce aux STEP ; sa flexibilité inégalée permet d’injecter très rapidement des puissances très importantes sur le réseau, pour satisfaire les pics de consommation. L’analyse prospective RTE sur les futurs énergétiques 2050, a clairement mis en évidence la nécessité de développer des moyens de flexibilité pilotables supplémentaires, quels que soient les scénarios de mix considérés, et notamment de nouvelles STEP hydro-électriques (+4 GW a minima, pour doubler la capacité actuelle de la France qu’il faudra aussi garantir sur la durée). Un développement progressif est à lancer dès à présent, avec certainement une cible de +1.5 GW à l’horizon 2030-2035. Sur la préservation de la biodiversité : l’hydro-électricité est une énergie renouvelable très souvent pointée du doigt pour son empreinte locale sur les rivières en occultant ses autres atouts globaux. Notre profession a engagé depuis plusieurs décennies des programmes d’étude et de recherche permettant de développer et implémenter les meilleures techniques disponibles en vue d’éviter, réduire, ou compenser les impacts environnementaux des aménagements et de leur fonctionnement sur les hydrosystèmes naturels (principe ERC). Sur l’accès de l’électricité à un prix compétitif et raisonnable pour tous : l’hydro-électricité est une technologie mature qui affiche un coût de production compétitif, indépendant des fluctuations de prix des combustibles, et offre un gage de stabilité dans la durée par la structure de ses coûts de production. C’est un atout majeur dans la période particulièrement instable que nous vivons actuellement. Sur la résilience du système énergétique aux effets du changement climatique : notre profession est engagée dans l’évaluation des risques et opportunités induits par le changement climatique. Face à une ressource en eau potentiellement plus variable dans le temps et dans l’espace, l’existence de réservoirs de grande capacité à gestion saisonnière doit aussi être vue comme une assurance et un outil de résilience des territoires. Sur l’indépendance et la souveraineté de notre approvisionnement en électricité : l’hydro-électricité est, par nature, une énergie souveraine, ancrée dans les territoires de notre pays, à l’abri des turbulences économiques et géopolitiques. De plus, la chaîne de valeur de l’hydro-électricité est à 90% européenne et majoritairement d’origine Française, avec des retombées importantes pour l’activité des entreprises françaises et les emplois directs et indirects. Cette création de valeur territoriale est largement méconnue et sous-estimée. Sur le niveau de sûreté des installations : la sûreté des ouvrages de production est la pierre angulaire de l’énergie hydro-électrique, comme pour d’autres technologies de production. En France, les aménagements hydro-électriques sont soumis à des exigences réglementaires renforcées depuis la fin des années 2000 et modulées selon le classement des ouvrages. Le retour d’expérience très largement positif depuis des décennies place la France parmi les pays les plus performants. Il n’y aura pas UNE unique solution pour le mix énergétique de demain, mais un ensemble de solutions qui doit être pensé dans une vision « système », sur le long terme. L’hydro-électricité fait partie de la solution. S’il fallait n’illustrer les atouts et la valeur de l’hydro-électricité que par un seul fait, on pourrait tout simplement rappeler la situation du système électrique français il y a quelques semaines, le lundi 12/12/2022 : entre 6h et 8h du matin, la puissance hydro-électrique délivrée sur le réseau passe de 3 GW à 16 GW (en moins de 2 heures), et assure à elle seule la variation à la hausse de la consommation, classique d’un début de semaine. Il faut rendre la filière hydro-électrique française attractive pour les futures générations : la France dispose d’atouts considérables. Les acteurs français continuent d’innover dans tous les domaines. Mais cette place de choix est fragile. L’attractivité vers nos métiers ne sera une réalité que si des projets d’ampleur voient le jour. Ces futurs projets requièrent des signaux politiques et industriels clairs, à poser maintenant compte-tenu des durées de développement de projets durables concertés et co-construits avec les territoires.