Publié le 18/01/2023 - 18h04
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E - Autre proposition (à préciser et justifier dans le champ ci-après)
Méthodologie d’une transition aux énergies décarbonées raisonnée Bernard DUJARDIN, titulaire du cours d’économie, de droit et de stratégie de la mer à l’Ensta-Paristech (1987-2017), contrôleur général économique et financier (h), ingénieur EN La France représente moins de 1% des émissions mondiales de CO2. Dans la lutte contre les gaz à effet de serre, elle ne constitue au mieux qu’un objectif de deuxième rang. La stratégie globale contre le changement climatique se définit au niveau de l’Union européenne (UE). Alors que les mix énergétiques sont éminemment variables chez les 27, le cadre institutionnel de l’UE produit des compromis énergétiques identiques pour tous, peu adaptés à chacun, notamment à la France. Là où chaque État membre pourrait développer sa propre best practice, une common practice est édictée et s’impose dans le respect tout théorique de la concurrence sur le marché intérieur comme le montre le marché de l’électricité. Les courtiers achètent et vendent à terme une marchandise non stockable et sont assimilés à des énergéticiens. La question de l’énergie est d’une grande complexité, la question de l’énergie électrique est d’une plus grande complexité encore. Devant elles, les institutions européennes se révèlent un Gulliver entravé. La Commission formule des propositions techniques pertinentes dès lors qu’elle s’échappe des pressions. Les directives ressortent d’un processus législatif à volonté consensuelle. Il y intervient : - la chambre unique d’un Parlement représentant mal les populations eu égard au taux de participation aux élections européennes, sans majorité de gouvernement en l’absence de réel gouvernement, soumise aux conjonctions opportunes d’intérêts de minorités ; - le Conseil des ministres harmonisant sur le plus petit commun dénominateur les intérêts divergents de près de trente États. . L’UE s’est ainsi préparée à des déconvenues, se fixant des trajectoires climatiques très ambitieuses (moins 55% de gaz à effet de serre en 2030). Elle ne s’est pas assurée que les politiques nationales suivront avec les moyens budgétaires adéquats et emporteront l’adhésion indispensable de populations - conformément aux valeurs démocratiques de l’Europe - à qui il est demandé un effort considérable sans autre perspective de mieux-être qu’une décroissance colorée en vert. Méthodologie de l’analyse de risques La question qui ouvre le débat sur « notre avenir énergétique » est orientée : « Comment satisfaire nos besoins en électricité, et plus largement en énergie, tout en assurant la sortie de notre dépendance aux énergies fossiles ? » Le premier risque à éviter est de tomber dans le piège de l’électricité. Lénine y est lui-même tombé : « Le socialisme, ce sont les soviets plus l'électricité. » Cette énergie électrique ne constitue que 25% de la consommation d’énergie en France. Elle est l’énergie finale la plus décarbonée (à 90%) aujourd’hui dans notre pays en raison de la part du nucléaire et de l’hydraulique dans son mix. Les 75% restants sont des énergies carbonées dont le principal est composé d’énergies fossiles. L’analyse de risques en conclut que l’avenir énergétique passe en priorité par la décarbonation de ces 75%. Les attendus du débat précisent : « Si l’électricité ne représente aujourd’hui qu’environ 25% de l’énergie finale consommée, elle devrait…atteindre environ 55% de notre consommation en 2050. » Cette estimation se base sur l’expansion massive de la sobriété dans la population française et l’électrification d’activités usant actuellement d’énergies fossiles. Elle ne tient pas compte de leur remplacement par des énergies stockables et transportables. Une étude conduite sur le train Alstom Coradia iLint montre qu’au prix de l’énergie en 2019 en Allemagne, le mix batterie tampon, pile à hydrogène est moins coûteux qu’une voie électrifiée par caténaires connectées au réseau – sans compter l’avantage de ne pas craindre une panne d’électricité. En 2050, il y a toutes chances que les transports de surface fassent peu appel à une mobilité électrique cliente du réseau électrique et beaucoup plus à l’hydrogène non seulement en raison de sa souplesse mais à cause d’un coût bien moindre. Une réflexion est d’ores et déjà conduite au Royaume-Uni pour examiner la transposition du même concept pour alimenter en énergie électrique l’habitat individuel. C’est un des motifs qui conduit le gouvernement britannique à soutenir la modernisation du réseau de méthanoducs en le rendant compatible avec le transport d’hydrogène pur. Le réseau électrique en conséquence risque de se heurter à un concurrent qui changerait la donne de la distribution et de la part de l’électricité - telle qu’elle est calculée aujourd’hui - dans le mix énergétique. Le strabisme électrogyre de la politique énergétique serait-il dû à la facilité régalienne que ce fluide énergétique de première nécessité offre aux pouvoirs publics ? Le réseau électrique n’a pas de concurrent. Le consommateur, captif de son compteur, est un contribuable idéal. En témoigne notamment la contribution tarifaire d'acheminement : cette taxe spécifique finance le régime spécial de retraite des employés d’EDF. Imaginons une taxe sur le pain pour financer la retraite des boulangers. A. Les présupposés Dans le thème de réflexion soumis en débat, un présupposé est affirmé : « Au-delà des efforts de sobriété qui sont indispensables pour faire baisser nos consommations, les actions en matière d’efficacité énergétique permettent à la fois de réduire nos consommations et de substituer les énergies fossiles par des énergies décarbonées. » 1. Les « efforts de sobriété » sont-ils « indispensables » ? Si oui, ipso facto, il faut mettre l’économie sur les rails de la décroissance. Gilets jaunes et violences récurrentes dans les régions antillaises montrent que la décroissance risque de conduire à des troubles sociaux toujours plus graves et met en péril la démocratie. Peut-on poser le problème en le « rénordant » ?
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