Publié le 18/11/2022 - 12h02
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B - La compatibilité du mix énergétique français avec un scénario de réindustrialisation de la France, et notamment la compétitivité de ce mix énergétique
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D - La garantie – au maximum – de notre indépendance énergétique et industrielle, en assurant autant que possible notre autonomie sur les composants, les technologies, les filières industrielles et les matières premières (acier et terres rares pour les éoliennes, modules photovoltaïques pour la production solaire, métaux critiques pour les batteries électriques, etc.) et les combustibles (uranium pour le nucléaire)
La France est en perte de vitesse car elle a misé sur les "services" tout en réduisant ses capacités industrielles. Il est urgent de ré-industrialiser, d'une part pour équilibrer la balance commerciale, d'autre part pour garantir une indépendance minimale. L'énergie bon marché et fiable est un point clé pour réussir cette révolution. Cette énergie doit être décarbonée. Il est donc indispensable que l'essentiel de l'énergie consommée tant pour l'industrie que pour les transports et les bâtiments soit sous forme électrique décarbonée. Il est maintenant admis par tous que la production électrique décarbonée doit croître d'une facteur 2 environ d'ici 2050. Les sources disponibles sont les renouvelables (hydraulique, éolien, solaire, biomasse) et le nucléaire. L'éolien et le solaire qui sont abondants doivent avoir leur place, mais l'intermittence qui leur est associée est un handicap majeur qu'il faut absolument compenser soit par du stockage soit par des productions à partir de sources pilotables (hydraulique, biomasse et nucléaire). Le stockage massif direct de l'électricité est hors de portée en particulier sur des périodes longues (entre été et hiver). Le stockage passant par la production d'hydrogène est théoriquement possible mais se heurte à des coût prohibitifs pour longtemps. Reste la production à partir de sources pilotables : l'hydraulique en France est presque saturée; la biomasse ne peut pas être suffisamment abondante; le nucléaire est donc nécessaire pour réussir. On n'a pas le choix et l'Allemagne, qui a renoncé au nucléaire, doit faire appel au gaz russe pour résoudre l'intermittence associée à sa production électrique renouvelable abondante. Quels sont les inconvénients du nucléaire ? Beaucoup diront : les déchets qu'il produit. Oui, il faut les gérer, ce qui a été largement étudié dans le cadre du projet Cigéo. Il y a deux sortes de déchets : les produits de fission et les transuraniens (noyaux plus lourds que l'uranium). Les premiers ne sont plus dangereux au bout de 300 ans, durée de stockage qui ne pose aucun problème de sûreté; les seconds sont des noyaux très lourds dont la nature nous a montré qu'ils ne migrent pratiquement pas comme on le constate sur le site d'Oklo en Afrique où une trentaine de réacteurs nucléaires naturels ont fonctionné il y a deux milliards d'années. Or le stockage prévu à Cigéo (verre+acier inox+épaisseur d'argile stable) est bien plus exigeant que ce qu'a fait la nature à Oklo. Le problème est donc très surestimé par beaucoup. Restent les accidents. Il faut, à ce niveau, garder en tête que, par MWh produit, accidents compris (Tchernobyl et Fukushima), le nucléaire a un impact sanitaire très faible. Le prix Nobel Burton Richter a ainsi montré que l'impact sanitaire (nombre d'années de vie perdues) des réacteurs accidentés à Fukushima est 25 fois plus faible que celui d'une centrale électrique au charbon qui aurait produit la même quantité d'électricité. Et pourtant Burton Richter a fait "l'hypothèse linéaire sans seuil" dans laquelle on admet que les faibles doses de rayonnement sont responsables de cancers futurs. Même avec cette hypothèse pénalisante, le nucléaire a beaucoup moins d'impact sanitaire que le charbon et il se compare très favorablement à l'éolien ou le solaire. C'est la médiatisation énorme des accidents qui masque les comparaisons réelles entre les divers modes de production d'électricité. Reste qu'il faut bien sûr tout faire pour éviter les accidents et, en cas de problème, prévoir les parades. Pour le nucléaire, ce qu'il faut, c'est refroidir le combustible d'un réacteur accidenté pour éviter sa fusion. C'est pourquoi EDF a créé la FARN (force d'action rapide du nucléaire) qui peut intervenir en moins de 24h sur tout réacteur accidenté. La France est vraiment exemplaire sur le sujet, mais le public ne le sait pas. Le nucléaire est une chance pour la France et non un problème. Si on développe pour le futur la génération IV, l'uranium appauvri dont nous disposons sur notre sol assure du combustible nucléaire pour plus de 1000 ans: pas de problème d'approvisionnement ou de balance commerciale. Par ailleurs, le plutonium qui est le noyau transuranien le plus abondant dans les déchets devient un combustible précieux dont l'utilisation permet de réduire de plus d'un facteur 10 la dangerosité des déchets qu'il faut stocker sur le long terme. Cette fermeture du cycle nucléaire sera un progrès déterminant qu'il faut bien sûr mettre en œuvre. Les développements précédents ne veulent pas dire que le nucléaire peut tout faire partout dans le monde. En France, il est le complément indispensable pour compenser l'intermittence insupportable de l'éolien et du solaire. Dans des pays localisés en dessous du 30ème parallèle, l'intermittence du solaire est bien moins gênante car l'ensoleillement y est à peu près constant sur l'année. L'intermittence essentielle est alors l'intermittence jour/nuit qui peut être gérée par un stockage direct de l'électricité ou par une contribution de l'hydraulique. Mais en Europe, la production photovoltaïque est 4 fois moindre en hiver (par rapport à l'été), alors que la consommation y est double. Cette incompatibilité rend le nucléaire nécessaire en Europe, mais pas en Afrique où le stockage inter-saisonnier n'est pas nécessaire. En conclusion, dans un pays comme la France où la sécurité du nucléaire est gérée par un organisme indépendant et souverain (l'ASN), le nucléaire est clairement la solution à mettre en œuvre, avec, comme ligne de mire, le développement de la génération IV qui rendra le nucléaire durable.
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