Technologie ou sobriété : une opposition simpliste
01/01/2023 - 15h40
La plupart des consommateurs d’énergie et tout particulièrement les 11,9 % de la population (3,5 millions de ménages) en situation de précarité énergétique sont sobres, car l’énergie est de plus en plus chère. Si l’appel à la sobriété est donc nécessaire, l’impact des modifications de comportements individuels ne peut être que limité, d’autant que les dépenses d’énergie des ménages sont très liées à l’infrastructure dont ils disposent et qu’ils ne maîtrisent gé-néralement pas (qualité et localisation des logements, accès aux transports collectifs, possibilité de mobilités douces, etc.). Quant aux industriels, il y a longtemps qu’ils fournissent des efforts [mot modéré]-sidérables pour réduire leurs consommations notamment en ré-cupérant l’énergie de leurs process. L’objectif de sobriété de la SNBC 2 (- 40% par rapport à 1990) est extrêmement ambitieux. Il nécessite d’importants investissements dans de nouvelles infrastructures de production, transport, distri-bution et utilisation d’énergie et fait généralement appel à de nou-velles technologies. Celles-ci permettent une baisse de la [mot modéré]-sommation d’énergie. Il existe une interdépendance entre offre et demande, efficacité et sobriété : des comportements sobres comme le recours au covoiturage ou l’effacement de la [mot modéré]-sommation électrique aux heures de pointe, dépendent d’une in-frastructure technologique et d’innovations. A noter enfin que le moindre coût pour réduire les émissions de CO2 n’est pas nécessairement la consommation minimale : il peut être plus efficace d’améliorer raisonnablement l’isolation d’un lo-gement et de l’équiper d’une pompe à chaleur d’excellent rende-ment plutôt que de ne viser que l’isolation la plus élevée. Et la « décroissance » ? La « décroissance » prônée par certaines associations, écono-mistes et philosophes, c’est la limitation, plus ou moins forcée, des consommations et des investissements pour réduire la de-mande d’énergie bien au-delà de - 40%. Notre Académie se doit cependant d’attirer l’attention sur les [mot modéré]-séquences de ce choix politique. La sortie des énergies fossiles nécessitera des investissements considérables pour reconstruire le système énergétique (plusieurs points de PIB par an pendant une trentaine d’années), même si la consommation d’énergie décroît globalement. Le partage de la ressource entre consommation et investissements devra donc se déplacer au profit de ces derniers : si décroissance, les consomma-teurs subiront une double peine : moindre richesse nationale, moindre part de la consommation dans la richesse. A moyen terme si la France n’utilise pas son plein potentiel de production, elle sera nécessairement déclassée. Renonçant à la réindustrialisation, sa balance commerciale se dégradera, d’autant qu’elle devra importer des équipements requis par la transition énergétique. Il en résultera inélucta-blement une destruction d’emplois. En réalité, seule une croissance responsable peut financer la transition énergétique. La décroissance, enfin, pose un problème éthique d’inégalité intergénérationnelle. Elle a en effet comme conséquence de laisser aux générations futures une capacité restreinte de production d’énergie, et donc de leur imposer notre choix de décroissance.
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