Partager la page

Publié le 09/12/2022 - 11h50

Jean-Charles Piketty

  • D - Autre proposition (à préciser et justifier dans le champ ci-après)

Suivant la SNBC et les futurs énergétiques RTE (1), notre consommation d’énergie de 1618 TWh en 2021 (2) doit passer à 930 TWh d’ici 2050, soit une réduction de 42 % avec abandon du pétrole, du gaz naturel et du charbon. L’objectif de neutralité carbone est corrélé à une forte baisse de consommation d’énergie. Pour respecter notre objectif climatique inscrit dans la SNBC et donc baisser fortement notre consommation d’énergie, nous comptons sur deux principaux chantiers d’efficacité énergétique, la rénovation thermique et des systèmes de chauffage des bâtiments et l’électrification des transports. Dans mes contributions précédentes sur les mobilités, sur les bâtiments et sur les décalages de consommation, je montre que les baisses de consommation seront insuffisantes dans ces secteurs et ne permettront pas d’atteindre nos objectifs globaux de réduction de consommation d’énergie en comptant tous les secteurs et activités. Par ailleurs, la trajectoire réindustrialisation, si elle était adoptée, prévoit une consommation de 750 TWh d’électricité décarbonée, donc le risque est grand de dépasser l’objectif SNBC d’une consommation totale de 930 TWh composée de 55 % d’électricité décarbonée et 45 % d’autres énergies décarbonées. Si la réindustrialisation est confirmée, au moins pour la construction des installations de production d’énergie bas carbone, les panneaux solaires, les batteries, l’automobile, etc. cela signifierait qu’il faudrait revoir comment nous allons atteindre notre objectif de réduction de nos émissions de GES en réévaluant nos futurs usages énergétiques dans tous les secteurs à l’horizon 2050. On ne peut décarboner les transports de marchandises nationaux et internationaux qu’avec des véhicules et bateaux moins grands et moins lourds, par exemple à propulsion à hydrogène, donc on devra transporter moins de biens et marchandises. Donc on doit se poser la question de la réparabilité des biens en local, du recyclage et aussi des biens durables et ceux qui ne sont pas indispensables, voire supprimer la production de certains biens. La réindustrialisation peut être priorisée en fonction de notre indépendance et l’atteinte de nos objectifs climatique et énergétique, par exemple sur l’éolien, le solaire, le biogaz, les batteries, les véhicules électriques, la rénovation thermique et des systèmes de chauffage des bâtiments et par la minimisation des transports internationaux. La cohérence de la politique industrielle devrait résulter du projet écologique et énergétique que l’on doit définir. L’empreinte carbone doit être utilisée en complément des objectifs existants pour les émissions de la France mais là n’est pas l’essentiel, en effet, la plupart des pays ont ou auront des objectifs climatiques et donc les leurs émissions devront baisser fortement comme les nôtres. Pour réduire l’empreinte carbone mondiale en tenant compte des échanges, on peut prendre l’exemple des pays producteurs d’acier : il peut être avantageux que les aciéries au charbon fournissant l’acier en Europe soient implantées près des mines de fer pour éviter le transport du minerai. Il convient d’aider ces pays pour remplacer le charbon par l’hydrogène et installer un système de capture du CO2 émis par ses aciéries pour séquestrer le carbone sur place (3) ; pour ce faire, les pays européens pourraient participer au financement, proportionnellement à leurs quantités d’acier achetées. La souveraineté économique n’est pas l’essentiel : nous pouvons rester dépendants des échanges internationaux dans la mesure où cela favorise la transition de tous les pays et aider à leur développement en tenant compte de leurs propres atouts et contraintes. Il faut donc aussi veiller sur nos échanges internationaux en tenant compte des particularités de chaque pays. La France est un pays « développé » qui a besoin de beaucoup d’énergie. Il y a des pays qui ne suivent pas ce type de développement, comptant par exemple sur la préservation de leur territoire naturel avec une activité touristique, comme le Costa Rica. Dans ce cas, il faut aider ce pays qui fournit pour lui-même et au monde un puits de carbone forestier important. Il convient de sécuriser l’approvisionnement des matériaux pour la fabrication et la maintenance des installations de production d’énergie bas-carbone. L’un des avantages de l’éolien et du solaire c’est qu’on n’a pas de problème d’approvisionnement en combustible. Il est utile pour l’emploi de créer des filières locales, par exemple de panneaux et tuiles solaires et de batteries. Les entreprises industrielles devraient présenter un plan de transformation aux pouvoirs publics. Par exemple, une entreprise pétrolière se désengage rapidement du pétrole et se reconvertit dans la construction d’installations de production d’énergies renouvelables ; or, il y a un potentiel considérable de production photovoltaïque en couverture des réseaux routiers pour la recharge des batteries des véhicules en stations-services, de plus sans artificialisation supplémentaire des sols ; les pouvoirs publics créeraient des concessions de centrales photovoltaïques en couverture d’autoroutes et lanceraient des appels d’offres à l’attention des entreprises. Ainsi, la contrepartie de la transformation des entreprises, par exemple les entreprises d’énergies fossiles, serait la création et l’attribution de nouveaux marchés avec appel d’offres; les lauréats deviendraient producteurs et distributeurs d’électricité photovoltaïque. (1) https://www.rte-france.com/default/page/index.html (2) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numeriqu… (3) https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/a-dunkerque-arcelor-mit…