Une stratégie énergétique doit concentrert les efforts limités de la nation sur l'essentiel

Bernard Dujardin

18/01/2023 - 19h14

L’équation électrique La révision du système tarifaire de l’électricité est urgente pour s’extraire de son incohérence présente, sauver l’appareil industriel du pays et protéger le pouvoir d’achat des populations. Le lien avec le prix du gaz en Allemagne est à couper. Depuis sa mise en place, le marché européen opère au détriment de la France et de ses consommateurs. Il repose sur deux principes. Le premier est celui de l’interconnexion. au gaz ou au charbon, toujours plus sous-employée, donc au coût fixe toujours plus élevé. Le second principe est celui de la concurrence dès lors que l’électron traverse librement les frontières des États membres. Il en est fini de la régulation tarifaire par le coût moyen de production. Dorénavant s’applique le coût marginal de la dernière centrale mise en marche, au coût fixe toujours plus élevé. Le choc électrique qui survient à l’automne 2021 s’aggrave le 22 février 2022. Le coût de fonctionnement de la dernière centrale appelée en activité dans le réseau interconnecté flambe à son tour avec l’explosion du prix du gaz consécutive à l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes. Avant l’ouverture du marché européen de l’électricité, l’interconnexion offrait une balance commerciale positive pour la France tant en volume qu’en termes d’échange. Ces termes se sont dégradés avec la mise en place du marché européen : le prix export est devenu inférieur au prix import. La nécessité de maintenir le marché européen au nom d’une solidarité à sens unique ne s’impose pas comme le prouve la sortie de l’Espagne et du Portugal de ce piège. La remise en question du marché européen de l’interconnexion, terrain de jeu de brokers dont l’intérêt spéculatif ne coïncide pas avec l’intérêt général, demande un travail de réflexion aussitôt que possible pour établir une proposition cohérente. Les procédures européennes sont longues. Cet obstacle n’empêche pas la France de conduire une politique énergétique de révision de son mix électrique. La remise en état du parc nucléaire et la renationalisation de l’EDF sont des mesures bienvenues à court terme. Le moyen long terme est de reconstituer un mix électrique cohérent d’énergies pilotables et prédictibles. Le cœur du mix électrique repose sur le nucléaire. La voie prise est la bonne : Les 50% de capacité maximale sont devenues 50% de capacités minimales. Le seuil à, atteindre est de 75% de capacité au moins dans le cadre d’une croissance de la consommation électrique. Le mix électrique décarboné raisonnable pour la France se répartit en % de la consommation nette annuelle vers 15 % d’énergie hydraulique, 75 % d’énergie nucléaire, 10% d’énergies renouvelables intermittentes et 5% d’énergie issue de la biomasse et des déchets. L’équation des autres énergies La transition des énergies de mobilité et de chaleur vers un mix est parfaite mais en tant qu’énergie finale, elle ne sera jamais aussi économique que les énergies fossiles primaires. La chaleur reste le point faible de la décarbonation de la société. Pour les industries de mobilités, l’électrification par bornes de recharge, par moteur thermique à hydrogène ou ammoniac et par pile à combustible ouvre un champ d’intervention aux énergies converties des gisements éoliens offshore si l’échelle de production est massifiée. La Commission européenne ne s’y est pas trompée en projetant 300 GW pour 2050. Le programme français qui se limite à 40 GW avec 50 parcs éoliens de moins de 0,8 GW en moyenne n’est pas à la hauteur à double titre. L’espace maritime européen de la France est le plus vaste avec une ZEE de 1 M km2 dont 500 000 km2 au moins sont suffisamment éventés. Un plan éolien flottant visant 100 GW est une ambition possible pour 2050, non pas sur 50 parcelles mais sur 3 gisements majeurs au-delà de 12 nm de la ligne de base droite. Maîtriser le développement de la technologie flottante est à portée du génie industriel et maritime. La France peut viser une situation de pays exportateur d’énergie décarbonée au XXIe siècle. Le Monde en aura besoin. Le PNUD estime que la consommation d’énergie doublera d’ici 2100 pour répondre à la fin de la précarité dans un monde en forte croissance démographique jusqu’en 2050. Les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) seront atteints avec de l’énergie aussi décarbonée que possible et bon marché. Conclusion Le choc électrique de 2021 suivi de l’invasion de l’Ukraine en 2022 invite à ajuster d’urgence la stratégie énergétique. La France dispose de deux atouts qu’elle n’a pas fait jouer depuis 20 ans que la question de la transition énergétique est posée : son patrimoine nucléaire (en voie d’être relancée) et son espace maritime éventée sur la plus grande ZEE de l’UE. Les deux piliers de notre avenir énergétique décarbonée sont le nucléaire des seconde, troisième et quatrième générations et l’hydrogène par l’éolien flottant massifié dans la zone économique. La politique nationale doit d’abord se consacrer à ces deux axes et éviter de se disperser sur une addition de mesures coûteuses et peu efficaces. Concentrer ses forces nécessairement limitées sur deux buts est le moyen de les atteindre. Il ne faut pas que la jeunesse nous dise : « Vous avez voulu éviter le réchauffement climatique au prix de la décroissance. Vous aurez le réchauffement climatique et le désordre social. » Le défi climatique sera relevé par la conjonction d’une finalité bien comprise donc clairement expliquée et d’un espoir de progrès social pour tous. Omer Bégarin affirme : « Le développement durable c’est d’abord l’emploi durable ». C’est dans cette perspective positive que l’adhésion des citoyens sera acquise. La politique énergétique réussira si elle concilie la transition énergétique et la croissance économique. « L’énergie est notre avenir, utilisons-la intelligemment ».